Mardi 20 février, se tenait une réunion de restitution des résultats scientifiques du projet REMIX PLACE dans la Halle des poches à fonte, à Belval. Modérés par Jürgen Stoldt, les échanges réunissent une vingtaine d’acteurs institutionnels du territoire Alzette Belval, des participant.e.s à l’Agora Café et à la pièce de théâtre, Myriam Benz (Ministère du Logement et de l’Aménagement du Territoire), Sébastien Rehibi (Vice-président de la CCPHVA, en charge du développement durable, des mobilités douces, des activités plein air et du tourisme) ainsi qu’Estelle Evrard et Lise Landrin (représentantes du projet).
Accueillis dans l’atmosphère des paysages sonores de François Martig, les mots de bienvenus sont adressés aux participant.e.s par Christian Schulz (Département de Géographie et d’Aménagement du Territoire). S’en suivent la projection des clips vidéo des deux principales réalisations artistiques du projet ainsi que la présentation des résultats de l’analyse REMIX PLACE par Estelle Evrard et Lise Landrin. La parole est donnée à la salle. La discussion circule et fait notamment ressortir les dynamiques suivantes :
- Cette étude a permis de révéler nos propres attachements aux lieux de la région Alzette Belval (sentiment partagé par des participant.es, comme des élu.es, ou des universitaires)
- Cette étude est importante pour les élu.es et acteurs institutionnels car elle permet de créer des données partageables et utilisables vis-à-vis d’autres élu.es et acteurs du territoire. L’analyse de REMIX PLACE permet à des acteurs locaux de sentir qu’une part de leur constat est légitime, qu’il est appuyé par des faits scientifiques. Importance d’avoir cette « parole au centre » pour montrer la nécessité d’une échelle de coopération transfrontalière.
- Les personnes présentes sont sensibles à notre démarche de science en mouvement, de science transformative. Nous ne sommes pas dans une ethnographie de type muséale mais dans une opération qui analyse et transforme, au plus près du mouvement et c’est un respect pour la complexité de la région.
- Le projet parle aussi de la culture de l’espace public qui est une grande question sur ce territoire. Tout le monde se demande comment on construit l’espace public, comment on lui redonne un souffle, surtout dans des modes de vie en mouvement, question complexe pour REMIX PLACE comme pour les élu.es et les résident.es de cette région. Cela reste une question entière mais les lieux qui facilitent l’interaction entre les individus (i.e. clubs sportifs, associations, cafés, espaces verts) sont autant de lieux invitant à l’échange dans l’espaces public et à ce titre, ce sont des ressources essentielles pour le territoire. De même, les institutions publiques telles que les services sociaux et services culturels sont des relais indispensables, qui créent des interfaces dans l’espace public, c’est aussi le maintien de ces institutions ressource qu’il faut assurer.
- La salle évoque le sentiment partagé qu’on a « perdu du temps » sur ce territoire, que trop de problèmes communs à la fois au Luxembourg et à la France ont été ignorés. La sonnette d’alarme est tirée depuis longtemps mais la situation empire. Des élus du côté français donnent des exemples concrets sur le manque combiné de moyens, d’infrastructures publiques et de marge de manœuvre pour accompagner le développement de leurs communes.
- Se manifeste également un manque de reconnaissance d’une co-responsabilité sur la gestion du territoire transfrontalier. De part et d’autre, au Luxembourg comme en France, les personnes présentes dans la salle déplorent le fait d’être abandonnées (voire ignorés volontairement) par les États-Nations. Plusieurs acteurs témoignent qu’on parle de l’idée d’une coopération depuis plus de 10 ans mais que cet élément est toujours en dernier dans la liste des éléments à traiter en réunion. Manque d’énergie collective sur ce point et les porteurs/porteuses de projets en ce sens s’essoufflent.
- S’exprime un besoin de réponses pensées et adaptées au contexte. Des exemples sur le dysfonctionnement de l’aménagement ou de la coopération sont évoquées que ce soit sur des soucis de parking, d’habitation, d’approvisionnement de l’eau, du travail, de l’impôt ou du logement.
- Puisque Alzette Belval est identifié comme zone fonctionnelle transfrontalière par le PDAT (Programme directeur d’aménagement du territoire) adopté en 2023, il y a une opportunité pour que cet espace de coopération soit porteur d’une « action transfrontalière » plus effective.
- REMIX PLACE a permis une forme de reconnaissance de la dignité des savoirs locaux, en témoignant notamment de l’hospitalité de la région, des avis qu’ont les résident.es sur leur territoire, et en témoignant d’un véritable plaisir à collaborer. Preuve par les faits de la possibilité de coopération et l’ouverture des acteurs locaux de part et d’autre de la frontière pour que ce projet se réalise.
- Quelques participant.es de l’Agora café et de la pièce de théâtre témoignent qu’il et elles ont vécu quelque chose d’inoubliable et leur présence en cette salle aux côtés d’élu.es, d’universitaires, de personnel administratif crée une reconnaissance importante.
- Différentes personnes dans la salle témoignent du besoin de considérer la culture comme un lieu fondamental du vivre ensemble. La culture ce n’est pas la « cerise sur le gâteau » pour une ville ou une région, c’est le lieu de la vie même.
- Dans REMIX PLACE, on sent la dimension sensible et émotionnelle de l’art. Certains soulignent que c’est une action culturelle « qui nourrit les sens » ; c’est une « belle manière de voir ».
- Plusieurs questions nous sont adressées sur « comment faire » ? Comment aller vers ce « prendre part » dont ont besoin les citoyen.nes et résident.e.s ? Comment créer une action culturelle participative ? Comment collaborer avec des universitaires et est-ce que des liens avec l’université sur ce territoire peuvent se pérenniser ?
Sur ces points, nous formulons des réponses qui sont moins des « recettes » que des témoignages de notre expérience, ses atouts, ses limites et le besoin d’en discuter. Des propositions de solutions sont aussi émises depuis différents lieux de la salle. Notamment en évoquant les savoirs faire de « l’éducation populaire » du côté français, de la force des « MJC », le besoin de faire des choses conviviales et pas nécessairement orientées vers les standards de culture « hight tech ». Importance de pluraliser les actions et de faire part aux valeurs qui sont celles du territoire depuis longtemps (action, bravoure, dignité, inventivité).Vers la fin de la discussion, le thème du « manque de temps » dans nos quotidiens est énoncé. Quels que soient les métiers pratiqués, mention est faite d’une fatigue des allers-retours entre domicile/travail et temps de travail concret qui ne permet pas d’avoir une véritable disponibilité pour les actions culturelles ou conviviales qui sont mises en place. Sur ce point encore nous ressentons tout l’en-commun du mode de vie sur ce territoire transfrontalier, soumis à une machine de productivité élevée. La question de la temporalité et du temps disponible est au centre de la question de l’engagement citoyen.
A l’issue de la réunion, les participant.e.s partagent un verre de l’amitié et (re)découvrent certaines des photographies du territoire réalisées par David Schalliol.
Post de blog rédigé par Lise Landrin, Estelle Evrard et Jürgen Stoldt.
Photographies: Université du Luxembourg